<< Retourner à la liste des articles

Entretien avec Denis Baize

Un pédologue émérite

Image images/Denis_portrait.jpegJeune étudiant, Denis Baize (né en 1944) entame ses études à la Sorbonne en Géologie. À l’université la pédologie existe alors à peine, c’est une toute jeune science, qui semblait alors « pleine d’avenir ».

Dans le cadre de son 3e cycle des études supérieures, il commence alors un vaste travail de cartographie des sols en 1969, qui mène à la publication de sa thèse de doctorat en 1983.
Ensuite, il poursuit sa carrière à l’INRA d’Orléans, où il est d’ailleurs toujours Directeur honoraire de Recherche à ce jour, à l’Unité de Science du Sol.
Denis Baize a ainsi accompagné la naissance du Service de la Carte Pédologique de France et, à partir de 1985, a coordonné la longue élaboration collective du Référentiel Pédologique (AFES, 2009).

Voyons ci-dessous quelques impressions et réflexions de sa part sur l’évolution de son domaine.

Au début, on considérait que les sols étaient essentiellement déterminés par la géologie. La première carte à petite échelle (1:1.000.000 - 1968) était donc basée sur les cartes géologiques. Il n’y avait pas encore de classification des sols acceptée par toute l’école française. Le premier jet date de 1967.

Image images/Profil_Héry.jpgM. Baize, naturellement motivé par le travail de terrain, a donc le champ libre pour explorer la cartographie des sols à échelle moyenne (1:50.000) pendant les années 70 et 80, et ce sur des paysages variés. Il se rend alors compte concrètement de l’importance d’autres facteurs comme la géomorphologie, l’hydrologie, l’occupation des sols pour expliquer la présence de tel ou tel type de sol. Sur les territoires qu’il cartographie, il distingue des catégories de sols purement descriptives sans référence à des classifications scientifiques préétablies (« Typologie des sols de Yonne. Les plateaux de Bourgogne », Baize, 1989). Ces catégories sont plus faciles à appréhender par les utilisateurs (agriculteurs, forestiers, botanistes) et ne sont pas tributaires des classifications officielles qui évoluent vite.

Pendant les années 90, la problématique des « métaux lourds » fait son apparition en France. Des risques de contamination sont identifiés et il s’agit de mesurer avec précisions les teneurs en éléments traces métalliques (ETM) dans les sols et d’étudier les conséquences pour l’agriculture et l’environnement. Denis Baize collabore avec des agronomes et des environnementalistes qui bénéficient de son expérience de pédologue sur la façon d’échantillonner et de tenir compte de la différenciation en horizons.

Image images/Profil_Agapia.jpgIl explore d’autres sujets d’étude, l’origine naturelle ou anthropique des teneurs élevées ou les dangers spécifiques liés aux espèces chimiques présentes (spéciation).
Par exemple, on a constaté une concentration de nickel très au-dessus du seuil autorisé dans une parcelle ayant reçu des d’épandage de boues d’épuration urbaines. La question se posait si cette teneur était d’origine naturelle (issue de la roche-mère) ou humaine (épandage). Finalement, il s’agissait d’une source pédo-géochimique donc naturelle. L’exploitant a pu obtenir une dérogation pour continuer l’épandage.
D’autres problèmes se posent, par exemple, dans le contexte de la pollution au cuivre par les traitements à la bouillie bordelaise dans les vignobles. Sous quelles formes chimiques se trouve ce cuivre ? Quel est le danger qu’il représente au présent ou pour une future céréale après arrachage de la vigne ? En d’autres termes : quelle est sa phytodisponibilité ? Quelle méthode analytique employer pour l’estimer ? Encore un travail interdisciplinaire avec des agronomes, des analystes et des biologistes.

Image images/Denis_fosse.JPGEn 1998, l’ADEME finance la création de la Base de Données d’Eléments Traces Métalliques (BDETM). Elle a permis de rassembler des milliers d’analyses de l’horizon de surface rendues obligatoires lors des plans d’épandage. Les informations se limitent malheureusement aux concentrations en 7 éléments, à l’année de l’analyse et à la localisation géographique. Et deux méthodes de mise en solution s’y côtoient compliquant les traitements statistiques.

Auparavant Denis Baize avait constitué une autre base de données, dans le cadre du programme ASPITET (Apports d’une Stratification Pédologique pour l’Interprétation des Teneurs en Éléments Traces – Baize, 1997) rassemblant un grand nombre de données : le type de roche-mère, d’autres analyses de caractérisation du sol comme la granulométrie, les teneurs en fer, la capacité d’échange cationique, etc. En outre, les analyses ont également porté sur des horizons profonds, ce qui permet des raisonnements et des comparaisons intéressants. Enfin une seule méthode de mise en solution a été utilisée (attaque triacide dont l’acide fluorhydrique).

Il rédige aussi des livres pour développer la connaissance sur les sols : « Guide pour la description des sols » (Baize et Jabiol, 2012). Il contribue ainsi à vulgariser la pédologie.

Pour un public plus expert, il publie dès 1988 un « Guide des analyses en pédologie », dont la 3e édition de 2018 a d’ailleurs été soutenue financièrement par le GEMAS. L’auteur se met à la place du pédologue et développe différents aspects : choix ; expression ; présentation et interprétation des analyses. Il y aborde aussi les problématiques plus récentes comme la dynamique et le stockage du carbone, les « métaux lourds » et les indicateurs de la qualité biologique.

Image images/Denis_explique.jpegRécemment, des spécialistes d’autres disciplines, comme des géologues, des archéologues et des naturalistes ont montré leur intérêt pour la pédologie. En réponse à cette demande croissante, il vient de publier aux éditions Quae un livre de vulgarisation avec beaucoup d’illustrations : « Naissance et évolution des sols. La pédogenèse expliquée simplement » (Baize, 2021).

On ne peut que féliciter ce chercheur émérite d’avoir tant contribué à la compréhension des sols. Et le fait que ce sujet fait désormais partie des cours de Science de la Vie et de la Terre (SVT) des collégiens dès la sixième, me paraît une victoire significative !




Ci-dessous quelques références si vous souhaitez en savoir plus sur les travaux de Denis Baize :

Baize D., 1983 - Les planosols de Champagne humide - Pédogenèse et fonctionnement. INRA, Versailles, 380 p. Thèse d'État. Université de Nancy I.

Baize D., 1989 - Typologie des sols de l'Yonne. Les Plateaux de Bourgogne. INRA, Orléans, 154 p.

Baize D., 1997 - Teneurs totales en éléments traces métalliques dans les sols (France). Références et stratégies d'interprétation. INRA Éditions, Paris. 410 p.

AFES, 2009 – Référentiel Pédologique 2008. Baize D. et Girard M.C. coord. Éditions Quae, Paris. 432 p.

Baize D. et Jabiol B., 2012 – Guide pour la description des sols. Nouvelle édition. Quae éditions. 448 p.

Baize D., 2018 - Guide des analyses en pédologie. 3ème édition mise à jour. Éditions Quae. 328 p.

Baize D., 2021 - Naissance et évolution des sols - La pédogenèse expliquée simplement. Éditions Quae, 160 p.



gemas, étude méthodologique, analyses des sols, relance agronomique, congrès de blois, bipea, circuit bipea, ministere agriculture, comifer, apca, système de culture, groupement sol, analyse terre, contrôle terre, protocole terre, afnor, cen, normalisation agricole, sols, analyse de sols, analyse de sol,laboratoire, analyse, agricole, agriculture, terre, sol, fourrage, amendement, fumier, compost, environnement, végétal, végétale, eau, fumure, fertilisation, aliment, laboratoires, analyses, agricoles, terres, sols, fourrages, amendements, végétaux, eaux, aliments, jardin, sol, analyse de terre, analyse de sol, laboratoire des sols, agriculture, agriculture terre, agriculture sol, méthodes normalisées, cofrac, cofrac 96, cofrac accréditation 96, héctares, vigne, céréales, plan d'épandage, conseil de fertilisation, ipc, pouvoir chlorosant, verger, baliteau, faedy, reymann, bigault, laboratoire des terres